L’objet domestique

Le culte que l’on porte en Tunisie à l’objet quel qu’il soit est la manifestation d’un sens esthétique aigu, que dévoile l’artisanat de ce pays. En témoignent par exemple les voiles du trousseau de mariage. Chaque voile a été exécuté comme s’il était la pièce principale du vêtement et comme s’il devait être porté seul. Pendant les jours qui précédent le mariage, on prend un vif plaisir à étaler devant les visiteurs les différentes pièces d’étoffes brodées ou tissées.

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L’un des produits artisanaux le plus spécifique d’Eljem, mais malheureusement qui se porte mal, est la poterie décorée. Nous pouvons aisément déceler l’importance de cet artisanat auprès des familles, dont l’usage devait être quotidien, pour manger, boire, se laver ou conserver des aliments. Ces poteries étaient connues par leurs engobes ocrés à décor noir au brai et à laquage brun ou rouge. Aux yeux de la maîtresse de maison, ces poteries ne sont que des récipients fonctionnels, au prix de revient modeste, car elles ne présentent ni la finesse de modelage, ni la richesse décorative des poteries de Nabeul.

Cette poterie familiale était l’oeuvre de certaines femmes renommées pour leur habileté. Elles travaillaient sur commande à domicile ou chez le commanditaire. Mais actuellement, ces objets n’ont pas pu résister à l’invasion du plastique et des matériaux plus résistants et surtout moins chers. La bataille était inégale, ce qui a conduit presque à la disparition de cet artisanat, pour le plus grand dam des traditions. Pourtant différents modèles existent encore chez les familles et mériteraient d’être exposés pour sortir de l’oubli.

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Quelques exemples des poteries d’Eljem

MAAJNA

La maajna est un plat à cuisson de 30 à 40 cm de diamètre, en terre cuite, servant essentiellement à rouler le couscous ou terminer la préparation de la pâte à farine de blé pour le pain. On y sert aussi le couscous et le mhammes (grosses graines de couscous). La mahjna est apparentée à la ghannaïa, plat à cuisson de même diamètre, employée surtout pour le grillage de l’orge destiné à la fabrication du khoubs cha’ir (pain d’orge).

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KANOUN AL-HTAB

Réservé aux cuissons au bois, le kanoun al-htab est de forme cylindrique, légèrement galbée. Il porte à son bord supérieur trois excroissances équidistantes, supports destinés à améliorer le tirage, le plat posé dessus laissant passer l’air. Une entaille latérale semi-circulaire permet l’alimentation du foyer. En hiver, les vieilles femmes, cardeuses et fileuses de trame, y posent alternativement leurs pieds lorsqu’il ne reste plus que quelques braises pour les réchauffer.

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KANOUN TEY (thé) 

Le kanoun à thé à deux étages : une base cylindrique creuse percée d’une ouverture circulaire et surmontée d’une carène portant une sorte de petite châchia à trois supports. Ce kanoun est muni de deux excroissances latérales, fort utiles pour son transport à chaud.

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KANOUN

Le kanoun le plus répandu est le « kanoun polyvalent » servant à la fois au chauffage des pièces des maisons et à la préparation du thé. Moins gros que le kanoun al-heteb, aisément transportable d’une pièce à l’autre, il suit ainsi les occupations des femmes tout au long de la journée.

CHACHIA

De forme cylindro-sphérique, sa taille varie de 25 à 28 cms de diamètre, une panse de 30 à 50 cms et une hauteur de 30 à 40 cms. Affublée de deux, trois ou quatre excroissances permettant sa prise, elle est ointe d’un engobe extérieur ocre toujours décoré. L’imperméabilisation est obtenu par plâtrage de l’intérieur.

Son utilisation se rapproche de celle des mhâbes ou des ahjâni, la distinction entre les usages de ces modèles voisins parait impossible. Parfois c’est la châchia qui sert à pétrir la pâte à pain, mais il s’agit cette fois du pain d’orge (khoubs cha’ir) et l’on entendra alors l’expression « châchia mtâ’a’ajn » (récipient à pâte). La châchia peut également servir au lavage des légumes comme des mains, ou encore au stockage des deux sortes de semoule indispensables à la préparation du couscous.

MAHBES

Les mâhbes sont les poteries les plus importantes. De forme cylindrique (ou cylindro-tronconique), ils présentent une ouverture et un fond de 25 à 28 cms de diamètre, une panse de 30 à 50 cms et une hauteur de 30 à 40 cms. La partie cylindrique porte quatre oreilles reliées par une carène en guirlande. La partie externe est entièrement décorée et laquée.

Les mâhbes renferment les réserves de « couscous rapide » roulé de préférence pendant la belle saison, cuit une seule fois à la vapeur, puis très légèrement additionné d’huile et séché au soleil et que doit parfumer une poignée de clous de girofle ajoutée après séchage. On y met également le mhammes , semoule à gros grains utilisée couramment comme pâtes à potage.