Les tapis

Legs de l’antiquité, la Tunisie atteste d’une profonde vocation lainière et textile. Pour les jeunes filles, filer et tisser figuraient parmi les premières choses à apprendre à la campagne comme à la ville, jusqu’à une époque récente. Cette activité permettait de remplir tout le temps libre des ménagères. Ainsi, l’exceptionnelle importance des tissages de laine est attestée par la profusion et la variété des produits.

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On attribue aux turcs l’introduction en Tunisie du tapis à points noués, dont le « Kairouan » est le plus représentatif. Empruntant parfois sa composition générale, le « Mergoum » est plus spécifique d’Eljem. On retrouve à la base de tout système décoratif des Mergoums, le triangle et le losange. Le décor comporte un, deux ou trois champs occupés par un espace carré ou en losange, le tout rempli d’un fourmillement d’éléments triangulaires. Des triangles minuscules posés les uns sur la pointe des autres en constructions pyramidales,  forment un triangle ou un losange de taille supérieure souvent cilié, lequel, avec d’autres qui lui sont identiques, en forme à son tour un plus grand et ainsi de suite. Le talent des artisanes parvient à créer des rythmes symétriques ou asymétriques, et à faire se répondre dans l’espace du tapis des motifs divers que soulignent des couleurs opposées ou complémentaires.

Jusqu’au début de ce siècle les tapis étaient exécutés exclusivement avec des laines teintées aux colorants naturels, le plus souvent végétaux. L’écorce de grenade et le bois de campêche donnaient le noir, la centaurée, la gaude, la fleur de grenadier le jaune, le kermès et la cochenille le rouge et l’indigo le bleu. Les maîtres teinturiers savaient, en utilisant tel ou tel mordant, en changeant tel dosage et en mélangeant tel colorant avec tel autre, obtenir des gammes de couleurs très riches.

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Récemment, la maîtrise des techniques et le niveau de l’expérience a permis de s’engager dans l’aventure du tapis de soie. Actuellement ce secteur connaît une forte croissance et plusieurs ateliers se sont spécialisés dans ce produit.

Un autre tapis très répandu à Eljem est le « Klim ». C’est un tissage de laine constitué de bandes transversales de couleurs différentes où dominent le bleu et le vert. Il est utilisé le plus souvent comme tenture murale, contrairement au Mergoum destiné aux sols. Le Klim n’a ni endroit ni envers, étant constitué de simples bandes parallèles de tissage. Souvent de faible largeur (1,5 m)  il peut toutefois atteindre des longueurs impressionnantes, un seul klim pouvant couvrir l’ensemble des murs d’une pièce.

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On rencontre aussi à Eljem des tissus ras et décorés, à usage de drapés et de voiles, se distinguant par leur beauté et la qualité de leur fabrication.

Citons en premier lieu la « Kseya », tissage épais aux couleurs variées, entièrement décoré et qui est principalement une tenture d’apparat. Dans les modestes intérieurs villageois, ces tissages aux couleurs chaudes créent une atmosphère d’intimité et de confort. Un usage moderne comme tentures, dessus de lits, jetés de table… peut leur réserver un avenir prometteur dans les intérieurs contemporains.

La « Mouchtiya » est un châle de laine de grandes dimensions. Le décor composé de fines bandes de regma aux motifs très variés couvre entièrement la pièce. La plus fameuse est celle que l’on fabrique à Djebéniana, petit bourg situé au sud d’Eljem.

Le plus souvent, une parfaite symétrie règne dans la composition de ces pièces. La succession de bandes transversales est interrompue à deux reprises par un registre assez large composé dans le sens longitudinal.

La Mouchtiya est tissée en laine blanche pour le fond, en coton blanc ou noir pour le décor. Après le tissage, elle est plongée dans un bain de teinture à la cochenille ou à l’indigo. Seule la laine prend la couleur et les motifs tissés en coton apparaissent alors dans toute leur splendeur, formant une véritable dentelle géométrique. Quelquefois, avant de plonger la Mouchtiya dans le bain de teinture, les artisanes utilisent le henné comme écran, l’appliquant en pastilles rondes qui produisent dans l’entourage achevé l’effet de tâches de lumière. Ces tâches blanches représentent le nombre de mois lunaires qui ont séparé les fiançailles du mariage.

Malheureusement, la production de certains tapis a pratiquement disparue. Le tapis de haute laine dit « Guetifa », qui était par excellence le tapis des anciennes grandes tribus, était exécuté par des hommes, les reggams, qui se déplaçaient d’un campement à l’autre, et offraient leur savoir-faire.

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Comme le Kairouan, le Guetifa est un tapis à points noués, mais exécuté selon une technique différente caractérisée par une coupe beaucoup plus longue, composant des figures très élaborées, à base de triangles et de losanges.

Leur épaisseur moelleuse et les longues mèches polychromes que les reggams coupaient au couteau donnaient à ces tapis l’aspect de somptueuses toisons. Mais leurs dimensions, leur poids et leur épaisseur les condamnaient irrémédiablement à la disparition.

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