Eljem, une ville du Sahel à la croisée des chemins
El Jem se situe à un carrefour au milieu du Sahel et au milieu de la Tunisie.
La ville se situe sur le principal axe routier tunisien, le GP1, à mi-chemin entre Sousse et Sfax. Elle est au carrefour de la GP1 et de la MC87 qui relie Mahdia et Ksour Essaf à Souassi et Kairouan. La voie de chemin de fer reliant Tunis au sud passe par El Jem. La capitale Tunis est à 200 kilomètres au nord et la mer à 30 kilomètres à l’est. El Jem est une ville typique du Sahel : « une concentration de maisons basses au milieu de champs d’oliviers ».
L’héritage de Thysdrus
El Jem est l’héritière de Thysdrus. C’était une petite agglomération rurale berbère qui s’est développée grâce à sa position avantageuse sur un plateau constituant le passage le plus direct du Nord au Sud et le point de jonction le plus commode entre la côte et l’intérieur du pays. Lors de l’invasion punique, elle a vraisemblablement servi de relais ou de support à la pénétration à partir de la côte vers l’intérieur. Le village reste de taille modeste pendant cette période. A ce premier stade de développement, la cité correspond, au niveau urbain, à un noyau central archaïque qui ne paraît guère étendu, couvrant une vingtaine d’hectares et formant un cercle de 500 mètres de diamètre. Les îlots sont irréguliers et les rues sinueuses et étroites.
Puis Thysdrus devient romaine et connaît une « vertigineuse ascension », qui hisse la ville, au IIIème siècle après JC, à la seconde place en Afrique, après Carthage. Elle comprend alors 40 000 habitants (contre 100 000 habitants à Rome à la même époque) sur une superficie de 200 hectares. La ville se développe grâce à l’olive et au commerce : elle sert d’intermédiaire entre les ports et l’arrière pays pour l’importation et l’exportation.
Thysdrus n’appartient pas à la catégorie des fondations romaines, bâties de toutes pièces sur un plan préconçu, en damier. Ce n’est pas une ville régulière : elle regroupe deux types d’espaces urbains, très différents : à un noyau central ancien, massif et compact, à peine aéré par des rues étroites et tortueuses s’oppose une zone plus récente comportant des rues beaucoup plus larges et plus denses. Cette extension s’est faite vers l’est et surtout vers le sud de la ville.
Au début du IIème siècle après JC, la ville se dote du plus grand amphithéâtre d’Afrique, capable d’accueillir 30 000 spectateurs.
En 238, les habitants se révoltent contre l’empereur Maximus qui leur demande trop d’argent. Ils proclament empereur le proconsul Gordien, alors gouverneur de la province. Après cette révolte, Thysdrus subit des représailles qui laissèrent des traces dans beaucoup de ses édifices et contribuèrent à interrompre son essor.
L’évolution de Thysdrus à l’époque byzantine est très mal connue : la ville semble s’être rétrécie, se concentrant dans sa partie ouest. Perdant peu à peu sa zone d’influence économique, Thysdrus cesse d’être une grande ville, tombe en ruine et disparaît complètement. Seul l’amphithéâtre reste utilisé : il est transformé en forteresse.
La richesse du patrimoine
Le patrimoine tient une place dans la ville d’El Jem. IL ne s’agit pas uniquement du patrimoine archéologique. Il faut prendre en considération le patrimoine urbain et agricole, représentatif d’un mode de vie dont l’intérêt est lié aux traditions arabes.
Le patrimoine archéologique
A El Jem, trois amphithéâtres retracent l’évolution de l’architecture amphithéâtrale. Ils correspondent aussi, comme l’ensemble du patrimoine archéologique, à un stade de développement économique, urbain et social de la ville.
* Les petits amphithéâtres
Au sud-est de la ville, deux amphithéâtres ont été découverts construits l’un sur l’autre. Le premier à avoir été construit semble très rustique et particulièrement fragile. Sa contenance devait être d’environ 6 000 spectateurs. Il a été rapidement abandonné au profit d’un modèle plus élaboré. Ainsi, le second amphithéâtre a bénéficié d’améliorations au niveau de sa solidité, ses équipements et un gain de confort. Il fait partie d’une catégorie courante en Afrique et dans tout le monde romain. C’est un amphithéâtre de structure pleine, adossé à une butte et pouvant contenir près de 7 000 spectateurs. Il fut également abandonné pour un troisième édifice : le « grand amphithéâtre ».
* Le grand amphithéâtre
Situé au centre d’ElJem, cet édifice est construit sur un terrain plat et évite, contrairement aux deux précédents, toute servitude topographique. Au niveau mondial, il se classe à la sixième place pour ses dimensions et à la troisième place en ce qui concerne sa préservation. C’est ainsi le plus grand des amphithéâtres africains qui pouvait recevoir 30 000 spectateurs.
Construit vers le IIIème siècle après J.C., il s’inspire du Colisée de Rome. C’est donc une œuvre grandiose qui reçoit les plus forts adjectifs de la part des historiens, des archéologues et des architectes. On parle alors d’une « architecture grandiose », de « proportions harmonieuses » .
En effet, il fait partie des derniers amphithéâtres construits dans le monde romain et il a pu profiter des progrès et des expériences passées. Ce monument constitue également un système perfectionné puisqu’il était utilisé comme impluvium recueillant toutes les eaux de pluie dans cette zone aride.
Ouvert au public, ce monument est aujourd’hui géré par l’AMVPPC qui se doit d’assurer sa conservation ainsi que sa promotion. Il est le cadre de plusieurs festivals de musique dont le Festival International de Musique Symphonique.